Pascal Berthoud

JE FAIS SOUVENT CE REVE ETRANGE ET FAMILIER | Galerie Analix Forever, Genève, Suisse  |   2 février-9 mars 2013

C’est la première fois en vingt ans qu’Analix Forever présente une exposition de sculpture. Mais il s’agit là, il est vrai, d’une sculpture bien particulière : pas de soustraction de matière, pas de moulage non plus,

mais une compaction par soudure de bandes d’acier inoxydable pour arriver aux formes familières de ces étranges visages, de ces créatures parfois non identifiées, kafkaïennes peut-être, nos cousins martiens, nos

insectes mentaux, nos avatars.

Comme à chaque fois depuis la transformation, en 2011, d’Analix Forever en minuscule Atelier d’Art contemporain, l’artiste invité prend l’espace à bras le corps, inspiré par ses contraintes, et conçoit un travail entièrement nouveau. Et ce n’est pas seulement une exposition que réalise Pascal Berthoud, c’est une installation complète qui s’inscrit dans le lieu, qui en transforme le sol et la vitrine, qui s’étend à l’étage où elle vit aux côtés des traces de précédentes expositions. Cette capacité à intégrer la dimension spatiale de la future installation dès la conception même du travail enatelier est réminiscente des travaux de Berthoud dans l’espace public : qui peut le plus peut le moins. Quant aux références de l’artiste – de l’historien de l’art –, elles sont multiples : du constructivisme à l’abstraction géométrique, de la géologie aux films de science-fiction, de Franz West (Ecolalia, 2010) au Requin de Xavier Veilhan, Pascal Berthoud, pour créer son monde, s’inspire sans en avoir l’air d’autres mondes à la fois proches et lointains. Pascal Berthoud est à la recherche d’une forme inédite, recherche qui constitue l’un des enjeux majeurs de la modernité si familière à l’artiste suisse : “Le monstre et son avatar contemporain, l’alien, (ce qui est autre), parce qu’ils sont des êtres que personne n’a jamais vus auparavant, en sont une métaphore.”

Oui, Pascal Berthoud est suisse. Et il a de la suissitude aussi bien le côté lisse et parfait que l’angoisse sous jacente. Ainsi ses sculptures, formellement parfaites, sont-elles aussi porteuses de l’inquiétante étrangeté

qui fait les oeuvres durables. Mais pas seulement ses sculptures : ses dessins aussi. Il est classique d’affirmer que les dessins de sculpteurs sont les plus beaux. Berthoud en tous cas intègre dans le dessin, outre la

perfection technique et l’étrangeté encore, une tridimensionnalité qui nous englobe. Un aspect qui saute aux yeux dans l’exposition de groupe “Ricochet” (organisée à la Galerie municipale de Vitry sur Seine par Emmanuel Régent et Vincent Mesaros) : les dessins de Berthoud ressortent de par leur puissante structure, de par leur profonde angoisse, aussi.

L’artiste sourit, comme intimidé par ses propres messages “étranges et familiers”, par la recherche de transcendance de la matière qui apparaît comme une évidence, notamment dans ses dessins les plus récents, degrande dimension, beyond sculpture. Comme l’écrivait Richard Leydier, “Certains artistes ajoutent un ingrédient important à leur pratique graphique : la virtuosité technique, qui les affilie immédiatement à

plusieurs siècles de tradition de la représentation. Ici, le dessin est fouillé, il gagne en précision et découle d’un système de vision acérée. Parmi d’autres, les oeuvres d’Andrea Mastrovito, Pascal Berthoud ou Katie

Brookes relèvent de cette dernière catégorie où des créateurs contemporains, dans un style résolument de leur temps, se mesurent à d’illustres prédécesseurs, qu’ils se nomment Nicolas Poussin, Francisco de Goya ou Max Beckmann.”

 

 

Barbara Polla, 2013